Ce soir c'est Noël.
Depuis mon enfance la magie de Noël s'estompait dans mon imaginaire et pendant des années j'ai perçu ces jours de fêtes, de réunions familiales et d'excès, comme une période indifférente sinon désagréable, un truc à subir. Une ode à la surconsommation et souvent à l'hypocrisie.
Mais depuis ta naissance je pouvais contempler dans tes yeux, dans tes réactions, le résultat probant de mes galères pour prendre un bus ou un taxi avec une réplique de moto pour enfants, un nouveau vélo ou des jouets que j'allais pouvoir déposer sous le sapin. J'emballais tout ça dans du papier cadeau avec l'application du papa convaincu qu'il allait te ravir et la gaucherie propre au pote, au fils ou au frère qui ne pratique pas assez cet exercice.
On ne sera pas ensemble cette année. Le père Noël n'éxiste pas (les mamans parfaites non plus). Je me demande aujourd'hui si je n'aurais pas dû procéder comme les parents d'Élliot, qui lui font part ouvertement de la provenance des cadeaux pour ne pas avoir à lui jouer la comédie et la dissimulation.
La machine judiciaire est lente, et elle n'offre que peu de garanties aux papas qui ne disposent pas de la garde de leur enfant. Je ne beneficie en fait que d'un simple "droit de visite", accompagné d'un résidu d'autorité parentale. Mais saches que je n'en démordrai pas, que j'irai là oú il le faudra pour que notre droit à être ensemble soit respecté. Et bien sûr pas uniquement pour partager en ta compagnie des bribes de vacances.
Ta mère t'a donc emmené en Argentine, comme ça, d'un jour à l'autre, il y a déjà trois mois. Une soustraction de mineur dans les règles de l'art; la plupart des membres de sa famille ignoraient tout de votre départ et ta maîtresse était persuadée que vous partiez vivre à Barcelone. C'est elle qui m'a appris, un vendredi de Septembre, que tu n'étais plus inscrit à l'école depuis la veille. Notre rendez-vous pour le week-end s'en trouvait compromis, d'autant plus que l'après-midi même ta daronne m'informait par télégramme que vous vous apprétiez à traverser l'Atlantique. Injoignable depuis plusieurs jours, absente de chez elle, nous ne pourrions donc même pas nous dire au revoir. La joie que nous partagions les vendredis de retrouvailles s'est évanouie, et ma tristesse du dimanche soir s'est prolongée indéfiniment.
J'ai vu des gens qui ne nous ne connaisse qu'à peine pleurer, je n'ai pas été avare en larmes non plus. Celles de Fred, la maman d'Élliott, m'ont particulièrement touché. Les yeux rougis de Monica aussi. Les témoignages indignés et solidaires que je reçois sont nombreux, et ça me conforte vraiment dans l'idée que tu devrais pas te trouver si loin de ton papa.
Nos quelques conversations téléphoniques sont tellement frustrantes -ta partie du dialogue t'étant souvent dictée par ta mère- que notre relation ne consiste plus que dans notre vécu commun. Encore heureux que j'ai retrouvé un numéro de téléphone sur un vieux papier, sinon nous n'aurions probablement toujours pas pu nous parler. J'ai quand même passé un mois sans rien savoir de toi...
Vouloir nous séparer brutalement et durablement est impardonnable. C'est pourtant le malheureux choix qu'a fait ta mère.
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